Suzon est volontaire en service civique à Bande de Sauvages, après y avoir fait un stage l'année dernière, et depuis tout ce temps passé notamment au Restaurant, elle nous concocte un super livre de recettes de cuisine ! L'idée est de transmettre notre manière de préparer à manger ensemble, dans le respect de notre charte, et de nourrir avec gourmandise la multitude. Les Recettes de Sauvages seront donc végétariennes, testées et approuvées, marquées par les saisons et les produits locaux, et surtout expliquées avec simplicité pour pouvoir être adaptées à une trentaine de bouches !
Ce joli projet a déjà remporté deux prix : le premier à l'occasion du concours Caen t'es jeune et le deuxième dans le cadre de l’appel à projet « Pour une Europe Durable pour tous et toutes ! ». Pour ce dernier, les lauréats (3 parmi 54 candidatures !) étaient invités à participer à une journée d'ateliers et de festivités autour du développement durable organisée par l'association 4D qui fêtaient justement ce jour-là ses 25 ans. Bande de Sauvages y a donc envoyé Suzon et Violaine, qui a rempli l'appel a projet, pour profiter de cette journée DD. En voici un petit-long récit :
Réveil matin sonne. On espère qu’il soit 7h30, comme tous les bons matins. Un coup d’œil sur l’écran lumineux, ouch, il 4h45. Tout va bien, je suis réveillée !
5h30, je suis en bas de l’immeuble et vais chercher mon vélo. La ville dort encore. Je sais que ce qui m’attend va être bien agréable : parcourir la ville aux aurores, ce moment où tout le monde dort encore bien au chaud. C’est parti ! Pas de vrombissement de voiture et les oiseaux chantonnent. La paix règne !
Arrivée à la gare, je me demande si Violaine est déjà dans le train. J’arrive dans la voiture correspondante à ma place et la découvre déjà assise, elle travaille sur son ordinateur. Non c’est pas vrai ! Des petits yeux et un sourire m’accueillent. Quelle journée ça va être ! A peine le train qui démarre, on parle quelques minutes, puis hop l’une en boule et l’autre la joue contre la vitre : tentative de terminer notre nuit – trop courte !
8h30, nous descendons le long des quais de la gare et tout de suite, nous sommes dans l’ambiance parisienne. Ça fourmille de partout ! On esquive, on se repère, allez hop une petite roulade avant pour éviter cette grosse foule. C’est tellement grand ! Merci à Violaine pour les repérages de voie de métro, sans qui, nous ne serions, peut-être, toujours pas rentrées. Nous avons rendez-vous à 9h dans un café qui s’appelle Le Petit Carillon. Nous y arrivons à 9h07, déjà quelques personnes sont assises autour d’un café. Nous nous présentons et faisons les connaissances des salariées de l’association 4D qui organisent la journée. Des participants arrivent petit à petit. On se présente 1, 2, puis 3 fois. Ça y est, on est rodée pour la journée.
A 10h, nous allons le long des quais de la Seine pour y faire un « brise-glace ». C’est pour briser la glace et amener la proximité entre les gens, mais bon, vous l’aviez compris. Nous avons autour de nous des personnes qui représentent des associations favorisant les actions en lien avec le développement durable. C’est un monsieur de l’association KurioZ de Poitiers qui anime le brise-glace. Nous lâchons nos sacs et, après avoir défini un espace, marchons à l’intérieur de cette zone. A un moment, il nous demande de choisir 2 personnes discrètement et de faire en sorte d’être toujours à équidistance de ces 2 personnes. Nous continuons à marcher. On commence à tourner en rond. Puis il nous arrête, il demande à une personne de marcher vers lui, ce qui fait déplacer les personnes qui avait choisi ce monsieur. Il demande à une dame de se rapprocher de lui également et la personne que j’ai choisie bouge, je suis obligée de me déplacer à mon tour. Ce qu’il voulait nous montrer par ce petit exercice, c’est que si nous décidons de déplacer quelque chose dans un projet, dans une action, quel soit collective ou individuelle, il y aura toujours une multitude de détails qui devront être modifiés par la suite. Un rien peut tout changer ! C’est pour ça qu’il est important d'avoir conscience du groupe, de parler et de s’entraider. Une belle leçon de vie de la part de ce Pictavien.
Après cet exercice nous montons à la Maison des associations du Xème. La salle a été préparée, il y a 3 pôles. Nous nous asseyons. L’une des organisatrices, Carole-Anne se présente et nous explique en quoi va consister notre matinée. Nous parlons beaucoup de ODD, Objectif Développement Durable. Ils sont catégorisés par 17 thématiques et pour chacun d’entre eux, ont une date qui devrait être la dead line pour valider l’objectif. Ce sont des objectifs à échelle internationale. Autant dire qu’il y a du gros travail pour tous les atteindre, et certaines associations tel que 4D s’en servent pour créer des actions et surveiller si les objectifs de réussite sont sur la bonne voie, ou pas.
Nous sommes donc à un atelier qui s’appelle un world café (ou bien un café mondial, c'est moins stylé mais ça marche aussi !). Ca se passe en plusieurs étapes : 1 table = 1 problématique (ici autour du développement durable et de ses enjeux). On se répartit par petits groupes autour des tables, on réfléchit et on propose des réponses. Et hop après 30 minutes on change de table et on vient compléter les propositions de groupe précédent.
Ce travail de coopération en petits groupes m’a permis de me laisser porter par ses grands mots que sont les Objectifs Développement Durable. J’ai même réussi à placer ce fier slogan dans l’atelier communication « Les saisons sont plus irrégulières que mes règles. »
A midi, c’est pique-nique ! L’association a acheté de quoi manger. Lorsque je regarde la table du repas, je n’arrive pas à enlever toutes ces visions de plastiques. Certes c’est bio pour la moitié des aliments, mais il y a encore du boulot ! Tout ne peut pas être parfait, me dis-je, en ouvrant l’emballage du houmous. A table !
Pour ce temps du midi, les organisatrices ont invité une association qui utilise les jeux de société comme outil de sensibilisation au réchauffement climatique. C’est alors que 4 personnes de l’association En'jeux Communs nous présentent une frise. Et quelle frise ! Grâce à des petites images, il faut reconstituer des liens de cause à effet. Au début de la frise « Activités humaines », à la fin, très clairement, l’apocalypse. Tout ça fait froid dans le dos, surtout quand tu es en train de manger tout tranquillement ton petit sandwich au radis et au fromage. C’est un avenir bien sombre qu’ils nous annoncent là ces petits animateurs. Il fallait donner un titre à cette frise couverte d’images de tristesse (guerre, sécheresse, canicule, famine, maladie…), j’ai proposé « espoir » et il fut retenu. A la fin, un des animateurs nous demandent si ça nous donne envie de faire des choses. Et bien oui ! J’ai toujours envie de bannir le plastique chez moi, de créer mon petit jardin et ma petite maison avec des matériaux durables et de récupération mais avec tout ce que j’ai sous les yeux, je me demande secrètement si j’aurais le temps d’en arriver là.
Très vite, il est 14h et nous n’avons pas encore eu de pause. Mon cerveau est en ébullition et j’avoue que pour moi, l’histoire s’arrête là, j’étais trop absorbée par la vue sur le canal et sur mes jambes qui avaient la bougeotte pour retenir ce qu’il s’y passa.. Je laisse le clavier à Violaine qui en parlera bien mieux que moi…
L'après-midi donc, nous étions, comme deux cheveux sur la soupe, présentes pour un atelier destiné aux collectivités territoriales. Objectifs développement durable encore, c'est à dire comment les atteindre pour et avec la population. Cette fois, on parle d'outils, de coopération des territoires, de co-responsabilité, de stratégie mixte, du pacte Berger-Hulot, de systèmes épistémiques, de fonds d'investissement, on précise la granulométrie des outils présentés, on déplore la technocratisation du débat, on se rassure en constatant que les normes sociales évoluent dans le bon sens... en fait on parle beaucoup de politique. Et derrière les badges, les anglicismes (call to action, bottom up, right place right time...) et les sigles/acronymes un peu rébarbatifs (ODD, PCAET, ADEME, BPI...), je suis ravie de voir que les gens autour de la table questionnent la notion de croissance au regard des principes du développement durable. On mentionne le mouvement des Gilets Jaunes comme exemplaire sous l'angle de la prise de conscience. Quelqu'un dit qu'il faut arrêter de partir de là où on est mais plutôt se mettre d'accord sur ce qu'on veut et se donner les moyen d'y aller. Un autre voudrait même enfin de la radicalité dans la transition et aider les décideurs à être en rupture avec la politique conduite jusqu'à présent. L'an 01 est dans l'air du temps...
Quelques références retiennent particulièrement mon attention : la démarche SPIRAL, outils reprenant les principes de démocratie directe et collaborative qui permet de mesurer le bien-être sur un territoire, Otto Scharmer et sa théorie en U qui proposerait un nouveau faire-ensemble, Jean-François Caron qui affirmerait que l'innovation est une désobéissance réussie, Patrick Viveret et son analyse des mouvements sociaux, l'éco-lieu Jeanot qu'une participante m'a conseillé de visité car très proche de Bande de Sauvages selon elle dans les valeurs et fonctionnement.
Merci Violaine pour tes apports sur cet après-midi. Revenons-en au déroulé de la journée car elle n’est pas fini ! Il est maintenant 18h et marchons vers le nouveau lieu de la soirée : la Chapelle des Récollets.
A partir de là, nous nous trouvons une petite place bien confortable dans les rangées de chaises. Violaine fait quelques points de travail et moi, en attendant, j’observe. Il commence à y avoir beaucoup de monde. Tous se connaissent et tous ou presque (pas nous ou les 4 enfants qui ouvriront la soirée), ont des cheveux blancs. C’est important la mixité, même intergénérationnelle ! Après que les enfants descendent de l’estrade pour avoir ouvert la soirée, on appelle au micro deux anciens présidents de 4D et le celui d’aujourd’hui.
Le premier monsieur est Michel Mousel, il est très âgé car il est à l’origine de la création de l’association (après les accords de Rio en 1992). Il parle des temps anciens et nouveaux. C’est un discours un peu long mais Violaine et moi sommes toujours là ! Ensuite c’est à un autre ancien président de s’exprimer, il s’appelle Pierre Radane et il est aussi vieux, ou presque. Son discours est plus facile à suivre, il dit des choses très intéressantes que j’ai marqué dans mon carnet. « [sur la condition climatique] C’est la première fois de l’humanité que nous sommes tous dans une solidarité forcée si nous voulons faire bouger les choses et vivre. Aucun des pays ne peut sortir 1er de cette évolution. Qu’il soit riche ou pauvre, il faut faire ensemble […] Depuis 40 ans, nous faisons une erreur, nous n’avons pas assez aimé les gens. » Ces phrases que j’ai noté sont des phrases qui m’ont fait, et me font toujours, grandement réfléchir. Et peut-être vous questionneront-elles aussi ? Enfin, c’est au président actuel, Benoît Simon, de dire quelques mots avant l’ouverture des tables rondes.
Une première table ronde s’ouvre sur des acteurs « qui se sont confrontés au développement durable » : Brice Lalonde, ministre de l’environnement entre 1990 et 1992 et Célia Blauel, maire ajointe chargée de l’environnement et du plan climat énergie territorial, pour un Paris neutre en carbone d’ici 2050.
La première table ronde se termine et laisse place à une seconde sur des acteurs « qui font bouger les lignes pour un futur durable ». Sont à la table Gildas Bonnel, président de l’agence Sidièse ; Isabelle Delannoy qui nous propose une « synthèse entre de nombreuses techniques et recherches mises en lumière ces dernières années : permaculture, économie circulaire, économie de la fonctionnalité… » en abordant par exemple le documentaire Home qu’elle a coscénarisé avec Yann Arthus-Bertrand. Et enfin, Christine Leconte, une architecte, urbaniste, et présidente du Conseil Régional de l’Ordre des Architectes Ile-de-France. Elle lutte chaque jour face à de grosses entreprises pour que les matériaux durables soient de plus en plus pris en compte et qu’ils n’aient plus cette image moyenâgeuse, je cite : « Les matières ancestrales (chanvre, bois, pierre, paille…) sont les plus innovantes et les plus efficaces. »
La soirée sonne bientôt à sa fin (ou faim) car il est plus de 20h30 et que nous sommes appelées devant l’estrade. Ce sont les anciens présidents et le nouveau qui nous remettent le prix (un certificat encadré) ainsi qu’aux 2 autres lauréats qui sont également à nos côtés. Nous avons maintenant 5 minutes pour parler de notre projet, c’est-à-dire du l’association et du livre de recette. Avec la fatigue et la faim il est difficile de faire concis. Je dois vous avouer que je me suis un peu mélangée les pédales, avec tous ces gens qui nous écoutent et qui nous prennent en photos, on a vite le vertige ! Les deux autres associations se présentent puis nous faisons une grosse photo de groupe, puis tout le monde applaudi, on fait sauter des petits pétards de confettis (qui ont fait crier toute la confrérie). Le buffet est maintenant ouvert. Notre journée est terminée, nous sommes bien fatiguées. Mais comme on dit « c’est de la bonne fatigue ! ». Alors hop, on se fraye un chemin pour atteindre ses petits bienfaits, au passage, beaucoup d’encouragement, de félicitations et d’adresse mail pour qu’on leur envoie le livre de recette à sa sortie prochaine.
A 22h30, nous repartons avec la banane et nous sommes gonflées à bloc pour affronter notre lendemain et le reste de la semaine !
On n'est pas des chacals, on vous montre quand même en avant première quelques pages du livre de recettes sur lequel on travaille (pas finie) !