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Lisa à la ferme


Lisa, adhérente de l'association depuis 2016 et salariée depuis 2017, réalise des minis stages chez nos producteurs en ce moment, elle raconte comment c'est de l'autre côté du stand au marché et ça nous intéresse :

Sauvages sur un Plateau, c’est de la cuisine avec des gens.

Il y a ceux qui coupent les légumes, ceux qui les font cuire, il y a ceux qui les mangent.

Et il y a ceux qui les produisent. Et puis il n’y a pas que des légumes, il y a du pain, du fromage, parfois même il y a de la viande ! Il y a aussi de la bière, du vin, du jus de pomme...

Je viens de passer les trois dernières années à apprendre à m’organiser avec les autres, à gérer un lieu collectivement, à cuisiner à plusieurs. Je souhaite à tout le monde de pouvoir vivre autant de questionnements et de solutions, autant de rires et de pleurs, autant de cohérence et de contradiction.

Pourtant, il y a quelques mois, j’ai eu envie de vivre d’autres aventures.

Sortir de sa zone de confort, aller vers l’inconnu, ce drôle de type qui fait très peur, qui impressionne beaucoup, mais qui attire en même temps, de telle sorte qu’on ne peut s’en détourner.

Alors, je contacte les producteurs, les paysans avec qui on travaille, pas très à l’aise avec le cliché de la citadine qui veut aller jouer à la ferme.

Tous me répondent la même chose : « Tu peux venir si tu veux, mais y a pas grand-chose à voir tu sais. Une journée et t’auras tout vu, c’est pas compliqué ce que je fais. »

Et je me lance, je veux tout essayer. Pommiers, pain, légumes, bière, fromages, charcuterie, tout y passera !

Le jus de pomme à l’automne ne m’a pas suffi, je retourne au verger pendant l’hiver. Une fois les branches des pommiers coupées, arrachées de leurs arbres, tombées entre les rangs, l’envie d’y retourner.

Pétrir la pâte à pain, peser les pâtons, former des boules, attendre. Laisser le pain lever.

Porter de l’attention aux gestes, à la répétition, aux habitudes, à ce qui forme un métier. La lenteur, la chaleur du four, la cuisson, l’attente encore. Quelqu’un a-t-il déjà pensé à créer un hammam dans un fournil ? Enfin, le pain à la croûte dorée qui sort du four. Et recommencer.

Peser l’orge, brasser, brasser, brasser. Faire un test avec un produit qui change de couleur comme en cours de chimie pour voir si on peut s’arrêter, mais brasser encore. Filtrer, peser le houblon, filtrer encore, mesurer la densité du liquide pour deviner le degré d’alcool de la bière en devenir. Un vrai tour de magie. Même après avoir entendu les explications 5 fois, je n’arrive pas à me rappeler de l’ordre dans lequel tout se passe pour fabriquer de la bière.

7h30, tout le monde est déjà levé. Aller voir le troupeau, nourrir les chèvres. Les chevreaux doivent attendre, le lait n’est pas encore arrivé pour eux. Ensuite la fromagerie, répartir dans les moules, attention il faut que tous les fromages aient la même taille à la fin. Étiqueter les yaourts, décailler le lait qui chauffe pour les tommes. L’odeur du gaz. Boire un café. Suivre les températures, la quantité de sérum, les millilitres de présure, suivre le temps. Retourner les fromages, les saler, les retourner et encore, et surtout, ne pas oublier de les retourner toujours. Déplacer les grilles d’une pièce à l’autre. Aller nourrir les chevreaux. Boire un café. Il est 10h30, je suis rincée, je ne rêve de rien d’autre que d’être là, au soleil, devant la fromagerie.

Mon mot préféré c’est « Tank à lait », mais il faut le dire en un seul mot, et à la normande … un tankalé. C’est exotique non ?

Le temps s’écoule, à une autre vitesse. Quelque chose d’imperceptible tant que l’on ne se met pas sur « pause », tant que l’on n’a plus rien d’autre à faire que d’observer, d’écouter, de suivre le mouvement d’un autre, de suivre ses gestes, le rythme de sa journée. Un temps que l’on subit lorsqu’on vient s’imposer dans leur intimité. Qu’on apprend à savourer. Et dont on a du mal à se défaire finalement, à chaque fois qu’il faut rentrer.

Un temps qui va avec la répétition, une attention aux saisons, être là tous les jours de l’année, refaire les mêmes gestes indéfiniment, apprécier la routine de ces beaux métiers de la terre.

Faire de ses mains, nourrir les humains.

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